Semaine de bénévolat à Calais

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A ma porte l'étranger

Semaine de bénévolat à Calais
Quand nous avons pris le train cet été pour Calais, notre projet semblait simple : aider
les migrants de Calais. Nous savions que nous allions participer aux distributions de thé et de
café, à l'organisation des douches, et au vestiaire du samedi. Bref, nous allions donner un
coup de main aux bénévoles du Secours Catholique déjà sur place. Il s'agissait pour nous de
découvrir une population défavorisée et, dans la mesure du possible, de lui venir en aide. Bien
plus qu'une découverte, c'est une véritable expérience de rencontre de l'autre que nous avons
vécue là-bas, et dont nous nous souviendrons longtemps.

 

 "Nous sommes venus à Calais tout simplement, avec l’idée de partager, de vivre,
de rire, et simplement de découvrir."

 Adèle.

 

C'est ainsi que nous arrivons à la gare de Calais Frethun, ce premier samedi d'août.
Nos sacs sur le dos, à peine descendus du train, nous sommes accueillis par Bérengère, notre
contact sur place. Après de rapides présentations nous chargeons la camionnette, le vestiaire
commence bientôt.
A peine arrivés sur place, on nous explique le déroulement. Les migrants ont un ticket
indiquant l'ordre de passage. Ils font le tour de la pièce,  et ont droit à une certaine quantité
de vêtements par personne. On nous indique nos places. Les migrants commencent à entrer.
Pendant plus de 2 heures défilent des visages que nous ne connaissons pas encore, et qui
parlent des langues souvent inconnues. Mais déjà arrivent les premiers échanges de regards,
de mots, quelques bribes de conversation.

 

« Parmi les moments qui m’ont le plus marqué, je retiendrais celui du premier
jour de notre arrivée, où nous avons débarqué à Calais pour participer au
Vestiaire. Nous ne savions rien, étions peut être inquiets, perdus, encore
ignorants, mais tout s’est très bien passé, et ce premier contact a été un des plus
  forts »
Sophie.

Après un dimanche de repos, notre semaine commence vraiment. Le matin, nous
débutons avec « l’aller vers » qui nous ouvre à la rencontre : un temps où nous nous rendons
à Salam, lieu d’hébergement et de restauration des migrants. Plus qu’une distribution de thé et
de café, c’est un réel moment de convivialité : discussions, jeux improvisés, bref un moment
de partage. Chacun raconte son histoire, ses origines, ses rêves parfois. Celui-là est afghan,
celui-ci égyptien. L’un a fui les talibans et l’autre est venu chercher du travail. L’un n’a plus
de famille, l’autre voit son fils français deux heures par semaine, un autre encore, cherche à
rejoindre sa femme en Irlande.

 

" On parle avec les mots lorsque c’est possible, avec les mains sinon, mais
surtout on parle avec le cœur. "

Matthieu.

 

Petit à petit, nous avons pris nos marques, nos repères, les visages reviennent,
deviennent familiers, on se serre la main, avec d’autres on se serre dans les bras. On rit, on
joue, on parle, chacun se dévoile, se raconte, on apprend à se connaitre, de jour en jour, de
sourires en poignées de main, de bonjour en salam aleïkoum. Même si nous avons participé
chaque matin à l’Aller-vers et que nous avons passé chaque après-midi à faire des activités
dans les locaux du Secours Catholique, aucune journée ne ressemblait à la précédente. Les
imprévus, les nouvelles rencontres, les nouveaux visages, les nouvelles discussions ont
rythmé avec dynamisme et bonne humeur notre séjour.

 

" J’ai appris qu’un sourire pouvait dire  beaucoup plus de choses que certaines
paroles. Comment dans notre vie, pouvons-nous rater autant de sourires ?
Autant de rencontres ? Ahmed, Abdoula, Lala Shane, Mohammed, Moussa, la
  famille   albanaise, Adel, Nasser, Sharam, Fiory, Hannah, Abib, Reisa…. Et tant
d’autres dont je me souviens juste du visage. "

 Adèle.

 " La rencontre se fait, se vit, s’invente, et chaque jour recommence, autour d’un
café, d’une cigarette, d’une discussion, d’un jeu, d’un sourire, d’une poignée de
main. La langue aurait pu être une barrière, mais bien souvent l’expression, le
  regard ou le sourire, les gestes, les signes, en disent bien plus long que tous les
  mots que nous connaissons. La simplicité de l’échange est sans doute la chose
qui m’a le plus marqué et touché. "

  Sophie.

 " C’est très émouvant de retrouver  certains des migrants le matin avec les traits
tirés et plein de tristesse dans le regard alors qu’ils disent «  No chance » "

  Capucine.

 

« No chance »,  deux mots qui n’ont l’air de rien, qui pourraient décrire n’importe
laquelle de nos existences à un moment donné, mais qui dans ce contexte, cachent tellement
plus. Derrière cette expression nous ne pouvons qu’apercevoir les heures passées à se cacher
en attendant un camion. Nous ne pouvons qu’imaginer les risques pris pour pénétrer dans une
remorque, s’accrocher à un essieu, la peur des contrôles. Nous ne préférons pas songer aux
coups que chauffeurs, passeurs, policiers parfois, administrent aux migrants.

C’est à ce stade de l’échange, il semble, que les regards se substituent aux mots. C’est
à ce stade de la rencontre qu’il devient difficile de séparer le bien et le mal en se cachant
derrière une objectivité lointaine. Pour être bénévoles il nous a fallu comprendre les points de
vue de chacun en se mettant à leur place. Les migrants qui cherchent un endroit meilleur où
aller. Les chauffeurs, qui risquent la prison. Les associations qui, chacune à sa façon, tentent
de rendre service. Les autorités, qui font leur travail. Et les passeurs même, qui, malgré les a
priori, n’ont pas toujours une meilleure situation que les autres

 

" Ce projet m’a en plus permis de me détacher de certains préjugés. "

 Capucine.

 

Se détacher des préjugés. C’est bien de ça qu’il s’agit. Ne pas juger l’autre dans sa
différence, ou sa situation, afin d’aider tous ceux qui le demandent sans distinction.
Mais à peine avons-nous commencé à prendre quelques habitudes, à comprendre et à
participer au fonctionnement du Secours Catholique, et à nous intégrer dans la vie calaisienne,
que déjà il a fallu partir. Les au-revoir ont été très durs, voire douloureux. Et même s’il nous
est agréable de raconter les multiples anecdotes du séjour,  le retour à la réalité s’est avéré
rude.

De cette expérience où tout pouvait paraître compliqué : les différentes langues, les
différentes cultures, nos origines « privilégiées », notre ignorance, notre jeune âge…. sont nés
un échange simple, une rencontre, un partage.

 

" Après avoir découvert les conditions, les démarches qu’ils doivent
entreprendre, le quotidien des migrants, il est bien difficile de revenir chez soi,
  où tout parait si simple, si confortable, et finalement si injuste. "

 Sophie.

 

Il nous parait encore incroyable d’avoir autant voyagé sans pourtant avoir franchi de
frontière. Beaucoup de choses restent à raconter. De notre journée de ramadan à la veillée
dans un squat soudanais, en passant par les douches du mercredi. Un seul conseil : si vous
voulez en savoir plus, faites l’expérience.

 

" Un de nos parents nous a dit « Finalement pas besoin d’aller à l’étranger
pour voyager ! » Oui, effectivement, pas besoin de traverser mers, montagnes,
frontières pour voyager, pour découvrir, pour apprendre encore et toujours, et
pour oser la rencontre "

Sophie.

 

Cette expérience nous a beaucoup marqué, a suscité chez nous un vif intérêt pour la
problématique des migrants, et a apporté à chacun d'entre nous, une réelle envie de poursuivre
dans cette thématique. Nous montons cette année un projet d’un mois à l’étranger, un projet
d’action bénévole nous permettant, dans un contexte international, d’approfondir notre
sensibilisation à la thématique des migrants et de vivre la rencontre.

 

Adèle, Sophie, Capucine, Matthieu

Compagnons à la 1ère Bordeaux
Bénévoles d’été du secours catholique