Un appel à la rencontre / Il y a un an

Publié le 14 octobre 2016 avec les mots-clés: Actualités

En septembre 2015, les Scouts et Guides de France du Val d’Oise ont été appelés à rendre service auprès des enfants et familles de migrants accueillis sur la base de loisirs de Cergy. Objectif : organiser des animations pour les jeunes pendant plusieurs après-midis. Johann Smette, animateur bénévole au sein de l’association est allé à leur rencontre et témoigne de son aventure solidaire.

J-14 : L’appel

A ce moment-là, l’accueil des réfugiés fait la Une dans tous les médias. C’est un sujet de questionnement, d’inquiétudes et pourtant, selon moi, c’est avant tout un enjeu humain. Autour de moi, j’entends partout parler des réfugiés mais concrètement, que fait-on à part les regarder à la télévision… la réponse est bien simple : rien. C’est à ce moment précis que j’ai décidé d’agir. Peu importe comment, je ne pouvais rester les bras croisés. Que penseront les générations futures en observant notre “inaction” ? Et si cela m’arrivait à moi, est-ce que j’aimerais être “accueilli” de la sorte ?

C’est au cours de ces réflexions que j’ai reçu un appel de l’échelon départemental du Val d’Oise des Scouts et Guides de France auquel j’appartiens. Notre équipe a appelé les responsables, peu importe leur opinion sur le sujet, à simplement faire ce que nous savons faire de mieux : de l’animation auprès de jeunes.

C’est avec cet appel que j’ai pu lier mon envie d’agir et mon engagement de bénévole, qui prend alors tout son sens, pour être un citoyen heureux, utile, actif et surtout, artisan de paix. J’ai donc répondu à cet appel, et de nombreux autres responsables se sont portés volontaires pour changer le quotidien de ces enfants, et porter ainsi les valeurs du scoutisme.

J-7 : Premier groupe d’animateurs auprès des jeunes

Le 12 septembre, un premier groupe arrive sur les lieux pour animer. Les animateurs ont eu la surprise d’être félicités de leur engagement par le président François Hollande, venu rencontrer les réfugiés accueillis sur la base de loisirs. L’occasion de prendre une photo avec lui. Leurs retours sont riches, les enfants sont souriants, et j’attends alors avec hâte mon tour. Dans une semaine, moi aussi je pourrai les retrouver autour des jeux.

J-5 : La préparation

Après cette première action auprès des jeunes, je reprends donc le relais avec d’autres responsables. L’équipe est constituée de sept membres venus de tout
le Val d’Oise. Nous discutons des animations à réaliser ensemble, et de nombreuses questions émergent. En effet, les informations sont assez floues, et rendent
difficiles la préparation : nous ne savons pas combien de jeunes il y aura, quel âge auront-ils, ce qui peut les intéresser...

Je me souviens bien d’un échange autour de l’animation « dessin ». Dessiner semble un bon moyen d’entrer en communication avec eux, avec un « langage » commun, compris de tous, sans barrière de la langue. Mais, nous craignons les sujets autour de la famille, les bateaux ou les cartes du monde qui peuvent rappeler ce qu’ils ont traversé pour arriver jusqu’ici. Les discussions sont longues mais fructueuses, et nous permettent de partager nos craintes comme nos questionnements. Ce n’est pas un exercice facile, mais nous savons que nous pouvons compter les uns sur les autres.

Jour J : le 19 septembre 2015

Ça y est, c’est le jour J ! C’est incroyable, le message est passé, et le bouche à oreille a vraiment fonctionné à travers tout le réseau de bénévoles : de nombreux chefs et cheftaines (animateurs scouts bénévoles), habillés avec la chemise et le foulard scout, viennent spontanément nous rejoindre ! Ils souhaitent eux aussi se mobiliser pour donner un peu de joie à ces enfants le temps d’un après-midi, et contribuer, chacun à sa manière, à se mobiliser face à cette actualité poignante. Animés par cette volonté d’agir, nous souhaitions, à notre mesure, apporter notre pierre à l’édifice. Mais malheureusement, seuls les inscrits, ayant prévenu à l’avance, pouvaient entrer dans l’enceinte d’accueil. Je pouvais lire sur le visage des autres une légère déception de ne pas venir avec nous.

Après un petit temps d’attente, nous rentrons enfin sur les lieux. A gauche, un grand stade couvert avec la porte ouverte. On pouvait apercevoir des jeunes jouant au football. A côté, une cantine, puis un espace collectif où les associations s’étaient installées, et à droite, un lieu d’hébergement, initialement prévu pour des colonies de vacances.

Je me retrouve sur une pelouse, avec deux tables à notre disposition. Nous déballons notre matériel : peinture, feuilles de dessin, stylos, perles, fil pour bracelets
brésiliens, ballons de foot, jeux de carte, pinceaux… En préparant le matériel la veille, nous avons dévalisé nos réserves afin d’être parés à toute éventualité, et d’être en mesure de trouver une activité qui plaise à chaque enfant ! C’était un vrai festival de couleurs et objets en tous genres, nous étions prêts à accueillir 5 jeunes, tout comme 45 !

Nous voici installés, fins prêts à animer ! Mais autour de nous, seulement 3 petites filles jouant en rollers : il n’y avait vraiment pas grand monde…

Nous ne nous laissons pas abattre ! L’une des animatrices de notre groupe décide, pleine d’énergie, de s’approcher des trois jeunes filles, et revient avec elles auprès de nous. Nous commençons alors à jouer tous ensemble, à se maquiller, et très vite cette agitation attire d’autres petits curieux ! Les enfants s’approchent sans crainte.

S’ensuivent des jeux de marelles, des dessins en tous genres, puis on échange les premières paroles pour exprimer les préférences d’activités de chacun, et nous
observons avec joie de jolis sourires qui se dessinent sur ces têtes enjouées.

D’autres jeunes plus âgés s’approchent. On parle à moitié français, à moitié anglais, on tente tous de se faire comprendre… Et nous finissons par engager un beau
match de foot qui durera une partie de l’après-midi.

De l’autre côté, il y a toujours du monde, beaucoup sont assis autour des tables. Les parents viennent nous voir et échangent deux-trois mots, puis repartent. Je pense que nous avons gagné leur confiance.

Ces rencontres paraissent assez banales. Ces enfants, garçons comme filles, demandent à leurs parents s’ils peuvent se faire maquiller, tout comme ce qu’on pourrait observer lors de la kermesse d’une école, la fête d’un quartier, ou ce qu’on a nous-mêmes vécu plus jeune.

Un peu plus tard, je fais la rencontre d’Omar, un jeune réfugié âgé de 9 ans. On parle un peu ensemble, et tout de suite, il me demande un stylo, puis très vite, il veut écrire. Il veut savoir comment s’écrit mon prénom, puis le sien, puis celui de ses parents et puis savoir compter en français ! Il apprend vite et veut toujours en savoir plus, on pouvait lire dans ses yeux la soif d’apprendre. Une petite compétition s’est même installée entre une personne plus âgée et Omar, pour savoir qui comptait le mieux en français ! Et bien Omar a gagné, victoire bien méritée car il s’est bien entraîné.

C’était formidable pour moi de vivre ce moment de grande complicité. Pour lui j’étais une source d’échange et d’enrichissement, peut-être le premier contact
endehors des autorités ou associations. Omar avait saisi cette opportunité pour avancer, apprendre, découvrir. Ce que je retiens particulièrement de cet échange, c’est que même si on ne parlait pas la même langue, on se comprenait sans trop de difficulté en souriant et en partageant.

Je suis rentré chez moi, le sourire aux lèvres. J’avais agi. Je suis heureux d’avoir pu contribuer, à mon niveau et avec mes moyens, à rendre cette journée différente des autres. J’espère avoir changé leur quotidien même pour un après-midi, et leur avoir permis une parenthèse, un moment d’évasion. Avec cette journée, mon engagement bénévole a pris tout son sens, et j’espère contribuer à éduquer les jeunes d’aujourd’hui dans cet esprit d’ouverture à l’autre, pour qu’au jour venu, ils puissent à leur tour se positionner et agir, pour essayer de « laisser ce monde un peu meilleur » (Robert Baden-Powell, fondateur du scoutisme).

Johann Smette, Animateur Scouts-Guides
(11-14 ans) du Groupe de Val de Viosne (95)
Priscille Surun, Responsable du Pôle Développement
du Territoire du Val d’Oise (95)