Groupe Marin à Tourcoing (1962 - 1977)
Publié le 30 mars 2015 avec les mots-clés: Actualités
Auteur : Père CAULLIEZ
Date : 1983
A travers la construction et l’utilisation de sa base, ce sont les grands moments de la vie du groupe marin de Tourcoing que nous retrace son fondateur, le Père CAULLIEZ.
Le groupe de garçons qui habite ce local est né le 8 avril 1962, cela fait bientôt 19 ans. Nous avions à notre disposition à ce moment-là un bateau qui trempait dans la Seine à Paris, un peu de matériel de camping, des tentes déjà anciennes, mais pas de remorque et pas de local. Nous avons été chercher le bateau, nous l’avons garé provisoirement et deux années de suite nous avons été naviguer en rade de Brest. Entre deux j’avais fait l’école des Glénans. J’ai successivement cherché 14 solutions d’implantation ; malgré le temps passé, la persévérance, c’était chaque fois l’échec jusqu’au jour où le terrain sur lequel vous vous trouvez, nous pouvions l’acquérir : mais il était un champ sans rien dessus.
Les garçons de l’époque, je les ai réunis, leur demandant s’ils voulaient bâtir avec moi au sens propre du mot. Cela se passait le 6 janvier 1965, le jour de l’Epiphanie, vous savez les mages, ceux qui se sont lancés dans une folle aventure sans savoir où ils allaient et qui y sont quand même arrivés. Vous irez tout à l’heure regarder la plaque de cuivre qui se trouve sur le limon de l’escalier. Nous avons commencé pendant les vacances de Pâques 1965, nous logions sur la paille à la ferme voisin et nous faisions notre cuisine à la baraque de chantier posée seulement quelques jours avant.
Tous les travaux de fondations, de terrassements pour la citerne, les égouts, le bâtiment, plus tard les garages, la fosse septique tout cela nous l’avons fait à la bêche, à la pelle, à la brouette. Le maçon a ensuite coulé le béton destiné à recevoir la carcasse en métal du bâtiment 25 m de long 15 m de large. Le charpentier en fer est venu ensuite et a monté toute l’ossature. Ensuite ce fut notre tour, à nouveau peindre sur 2 couches toute la feraille : 135 kg de peinture, une boîte de petits pois, vous voyez, 135 boîtes côte à côte sur 13,50 m de long. Nous avons fait cela à la Pentecôte pendant une chaleur torride. Ah les coups de soleil et la soif !
Ensuite, il nous fallait clôturer. Partout les poteaux scellés dans le béton et les fils de fer barbelés qui blessent, préparer le sol du bâtiment, les craons qui arrivaient par camions entiers. Entre deux nous nous occupions des garages qui furent notre premier local toujours sans feu.
Quand le maçon est arrivé à nouveau, il nous fallait le suivre et commencer partout les installations électriques : les tubes, tout devait être prévu, ensuite les fils dedans. Nous avons scrupuleusement respecté les normes de l’époque, couleurs et sections des fils. Le bâtiment est mis à la terre et tout ce qui est dangereux y compris les batteries de tubes.
Devant faire tous les métiers, les garçons ont beaucoup appris, ils travaillaient des techniques inhabituelles avec un soin et un fini que beaucoup de professionnels n’atteignent pas. Jamais un technicien n’a mis les pieds ici.
Il nous a fallu ensuite aller sur place chez le menuisier et peindre les chassis, deux couches de peinture, deux autres après la pose des vitres.
Il nous a fallu une fois le local fermé avec portes et vitres, attaquer l’échafaudage, les gites et la laine de roche. Les menuiseries intérieures ont été faites par un professionnel, la pose des plafonds aussi. Nous étions incapables de le faire et nous n’avions pas de machines, alors !
Par contre tous les branchements électriques étaient pour nous et chaque fois qu’un tableau électrique était fini, chaque fois que le courant était lancé dans une salle, c’était une victoire qui s’inscrivait à notre tableau. Entre deux le jardin était fait, la pelouse semée, les arbres plantés.
Voilà pour le local, sa construction. Peu à peu nous en profitions pour nous mais il y a toujours une note pour les autres.
Deux 2CV ont été refaites ici, la première sert à une organisation sociale, la deuxième a été vendue au profit des gens déshérités. Nous avons fait des fauteuils offerts au moment de Noël à une famille qui avait tout perdu au cours d’un incendie de son baraquement.
Un cyclo-pusch en fort bon état est parti en caisse au Sahara et sert à une infirmière qui devait autrefois pédaler entre deux oasis. D’autres mobylettes ont été refaites ici et ont été données pour faciliter la vie de ceux qui n’en avaient pas.
Depuis deux ans nous travaillons pour construire une maison pour une famille Indienne dans une des régions les plus déshéritées des Indes. Toutes les maisons sont détruites chaque année par les tempêtes, la nôtre tiendra. Elle coûte 4500 F. Nous aurons fini de la payer, nous l’espérons au soir de l’opération portes ouvertes.
Chaque année nous avons campé et navigué. A Péronnes (Belgique) à partir de Pâques, l’été le grand camp se déroule en Hollande. Les bateaux y vont par la route, les garçons aussi en vélo. Nous avons là-bas un magnifique plan d’eau. Nous sortons d’ailleurs avec le bateau bleu à cabine.
Nous nous sommes implantés là-bas, nous rendons service à ceux qui nous reçoivent et nous les aidons dans les activités sociales auxquelles ils s’intéressent.
Un peu à la fois nous nous sommes équipés en tentes, elles sont respectées, séchées et réparées quand il le faut. Ce ne sont pas des jouets. On les considère plus comme une émanation portative de la maison familiale, amicale et collective. Elles ont une moyenne d’âge de 23 ans.
Notre flotte a grandi peu à peu. En plus du Barracuda venu de Paris, qui a maintenant 20 ans d’âge, nous avons acheté en 1964 un premier Major d’une série de quatre bateaux français en bois construits par Silvant à Morlaix ; tous d’occasion :
- le premier fut le n° 7, 19 ans d’âge aujourd’hui ;
- le deuxième le 80 acheté en 1969, 14 ans d’âge ;
- le troisième le 46 acheté en 1971, 15 ans d’âge ;
- le 53 acheté en 1973, 15 ans d’âge. Ces quatre bateaux sont des dériveurs d’équipage de 4,50 m de long 15 m de voile, très beaux sur l’eau, rapides et très sûrs. En 1972 pour les aînés nous avons acheté un petit Carabinier utilisé aux Glénans, architecte Herbulot. Une Cavale qui porte le n° 65 et a 13 ans d’âge. C’est un excellent dériveur lesté, rustique, solide, tenant bien la mer et très sûr.
Nos bateaux sont respectés, aimés par l’équipage qui en est responsable. Ils sont entretenus et vérifiés sans cesse. On ne peut sans cesse songer à les remplacer.
Il nous a fallu acheter peu à peu des remorques : trois nouvelles et une d’occasion, elles totalisent une moyenne d’âge de 14 ans.
Les véhicules que nous utilisons pour la traction et les transports ont une moyenne d’âge de 18,7 ans.
Notre outillage de travail a été acheté et utilisé dans le même esprit. Vous verrez exposés une chignole électrique encore en 110 volts qui a 41 ans et des clefs Vanadium qui ont 45 ans.
Ne croyez pas pour autant que tous les utilisateurs sont parfaits, toujours soigneux, que rien ne se perd et rien ne se casse. Quand cela arrive on sait, ce qui est essentiel que c’est anormal et qu’on n’a pas le droit de gaspiller, de perdre, de casser et de se lamenter en même temps sur le malheur des autres qui sont moins pourvus.
Cela ce serait de l’hypocrisie. Nous avons charge de former, d’éduquer, nous avons mission aussi de montrer de façon nette une conception de la vie dans la microsociété qui est la nôtre.
Tout en nous lisant vous vous rendez compte facilement qu’il y a derrière et pénétrant tout cela toute une conception spirituelle et chrétienne de la vie et c’est pour cela que nous avons adopté tout l’esprit des scouts de France avec l’étiquette marine en plus.
Notre société actuelle baigne dans le matérialisme, ceux qui veulent rester des hommes créés à l limage de Dieu doivent faire un choix spiritualiste.
Nous pensions depuis plusieurs années à un bateau plus important qui nous permettrait de naviguer en mer à peu près en toute saison. Nous avions cherché sans trouver et aussi sans être convaincus qu’une grosse dépense de ce genre était raisonnable, lorsque le moule de l’ "Elizabethan 29" nous fut proposé, un bateau d’un peu moins de 10 m de long (29 pieds). Là aussi en 1977 les garçons ont été consultés car il s’agissait de le faire en matière plastique. C’était une nouvelle aventure qui commençait un peu comme la construction du local et dans ce domaine aucune erreur n’est permise qui mettrait en cause la solidité. Plusieurs d’entre nous ont été apprendre à travailler aux chantiers Wauquiez et nous sommes fort aidés par un excellent technicien très dévoué.
Si vous voulez un résumé de tout cela voici le texte inscrit sur la plaque de cuivre :
Entre le 8 avril 1965 et fin 1970, 52 garçons ont fourni ensemble 7384 heures de travail pour bâtir et aménager cette maison.
Ceux qui viennent après eux s’engagent à entretenir et améliorer ce qui a été fait par d’autres dans le passé.
Abbé Bernard CAULLIEZ